McCOY, Sarah : Un goût de cannelle et d'espoir
Sarah McCOY, Un goût de cannelle et d'espoir.
425 pages.
Editions Les Escales (17 avril 2014).
QUATRIEME DE COUVERTURE :
Garmisch, 1944. Elsie Schmidt, seize ans, traverse la guerre à l'abri dans la boulangerie de ses parents et sous la protection d'un officier nazi qui la courtise. Mais, quand un petit garçon juif frappe à sa porte, la suppliant de le cacher, la jeune fille doit choisir son camp...
Soixante ans plus tard, au Texas, près de la frontière mexicaine, la journaliste Reba Adams réalise un reportage sur la boulangerie tenue par Elsie. Peu à peu, elle comprend que la vieille dame a beaucoup plus à révéler qu'elle ne veut bien le dire.
Comment la jeune Allemande est-elle arrivée au Texas ? Quels drames elle et les siens ont-ils traversés ? Qui a pu être sauvé ?
MON AVIS :
Fille de militaire, Sarah McCoy a déménagé toute son enfance au gré des affectations de son père. Elle a ainsi vécu en Allemagne, où elle a souvent séjourné depuis. Résidant actuellement à El Paso, au Texas, elle y donne des cours d’écriture à l’université tout en se consacrant à la rédaction de ses romans. Un goût de cannelle et d’espoir est son premier ouvrage publié en France.
Une boulangerie allemande prise dans les tourments de l'histoire, une famille déchirée par les horreurs de la guerre, l'innocence confrontée à un choix terrible... Bouleversant d'émotion, Un goût de cannelle et d'espoir est un roman porteur d'une magnifique leçon de vie et de tolérance, une histoire aussi belle que déchirante, écrite juste comme je les aime : le passé qui revient hanter le présent, des héroïnes attachantes, une fin lumineuse et pleine d'espoir. Oui, c'est sûr, vous aussi vous allez le dévorer d'une traite !
Tatiana de Rosnay le qualifie de "bijou de roman". A mon sens, Un goût de cannelle et d'espoir mérite totalement ce commentaire élogieux. Sarah McCoy y dépeint l'Allemagne du Troisième Reich en toute objectivité et avec beaucoup de sensibilité. A travers l'histoire d'Elsie et de sa famille, citoyens allemands tout dévoués à l'idéologie nazie, elle donne au lecteur un éclairage très instructif sur cette période sombre.
Si le thème de la persécution juive a souvent été exploité dans la littérature, Sarah McCoy s'étend plutôt sur la souffrance d'un pays qui a vu tomber ses certitudes et ses rêves de grandeur. Le "Reich de mille ans" n'est plus et les populations allemandes ont elles aussi souffert et payé un lourd tribut au régime hitlérien. Sarah McCoy nous parle bien évidemment des pénuries et du rationnement en vigueur à l'hiver 1944, des difficultés pour les populations allemandes à s'approvisionner, des spoliations des biens juifs et de leur extermination dans les camps de la mort, des comportements violents de certains officiers nazis mais elle dénonce surtout l'aryanisation de la race allemande au moyen des Lebensborn, sortes de "pouponnières" nazies dans lesquelles les autorités avaient entrepris un des projets les plus terrifiants et invraisemblables de l'histoire de l'humanité.
Entre 1935 et 1945, dans leur projet de créer une race supérieure de germains nordiques, les autorités nazies créent les Lebensborn. Après avoir subi une sélection raciale, les femmes correspondant aux critères, enceintes d'un SS ou d'un soldat allemand, y donnaient le jour à des enfants parfaits, blonds aux yeux bleus. Dépossédées de leurs enfants, ces mères n'étaient ni plus ni moins que des prostituées au service du Reich et leurs bébés, propriété du Lebensborn dans lesquels ils étaient élevés dans le respect de l'idéologie nazie. Les enfants nés trisomiques ou handicapés, ou ceux qui d'une certaine manière ne remplissaient pas le cahier des charges aryen, étaient purement et simplement éliminés. De cette période sombre, des milliers d'enfants ont vu le jour dont certains cherchent encore aujourd'hui à percer le mystère de leurs origines...
Passionnante, émouvante, l'histoire d'Elsie rappelle que les Allemands ne sont pas forcément tous des tortionnaires ni ces monstres auxquels on les a si souvent assimilés. Si le roman de Sarah McCoy a un délicieux parfum de cannelle, il garde aussi un goût de cendres et les relents nauséabonds d'une époque qu'il ne faut pas oublier... Un roman complexe, émouvant et instructif pour ne rien oublier des horreurs de la guerre et de l'idéologie nazie.
Je remercie les éditions Les Escales et Babelio de leur confiance.