Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité
HISTOIRE DU SOIR
HISTOIRE DU SOIR
Publicité
Newsletter
Archives
Visiteurs
Depuis la création 324 192
25 février 2016

Gwen EDELMAN : Le train pour Varsovie

41jEDx-mKpL

Gwen EDELMAN, Le train pour Varsovie.
192 pages.
Editions Belfond (18 février 2016).

QUATRIEME DE COUVERTURE :

Drapée dans un épais manteau, une toque de fourrure enfoncée sur la tête, elle regardait défiler les champs d'un blanc immaculé. Tiens, dit-elle en levant un doigt ganté, il y a un oiseau qui a oublié de partir vers le sud.

Assis en face d'elle dans le compartiment clos, il fumait son tabac noir, une grosse écharpe autour du cou. Ses cheveux blancs ondulés encadraient son visage tels ceux d'un prophète. Comme les Juifs, remarqua-t-il, qui ne sont pas partis tant qu'ils le pouvaient. Il retira un brin de tabac collé sur sa langue. Après, c'était trop tard. Ils auraient dû écouter les oiseaux. Crois-tu qu'on a fait mieux ? demanda-t-elle. On a fait ce qu'on a pu, lui répondit-il.

MON AVIS :

Gwen Edelman est née à New-York. Elle a fait ses études aux États-Unis ainsi qu'en France, à la Sorbonne, avant de devenir éditrice puis de créer sa propre agence littéraire. Après avoir habité de nombreuses années à Paris, elle vit aujourd'hui à New-York et se consacre à ses deux passions : l'écriture et les voyages. Son premier roman, Dernier refuge avant la nuit (Belfond, 2002; J'ai Lu, 2004),  a été récompensé par le prix du Premier Roman étranger en 2002. Le train pour Varsovie est son deuxième roman.

Jascha et son épouse Lilka, tous deux survivants du ghetto de Varsovie, se sont retrouvés après la guerre et ont émigré à Londres où Jascha est devenu un écrivain célèbre. Quarante ans ont passé lorsqu'il reçoit l'invitation d'un cercle littéraire de Varsovie. S'il n'a aucune intention de retourner en Pologne, Lilka brûle de revoir la ville de son enfance heureuse et celle de leur terrible jeunesse amoureuse dans le ghetto. Mais, dès le début du voyage, d'horribles réminiscences se mêlent à la nostalgie de l'avant-guerre... Dans cette Varsovie reconstruite, glaciale et enneigée, les fantômes hantent les rues disparues qu'il aimaient et les atrocités surgissent de leur mémoire, comme les questions restées sans réponses...

Gwen Edelman réussit là une saisissante et poignante plongée dans le ghetto de Varsovie. Elle dépeint ses horreurs, ses trafics, sa misère et les intrigues qui s'y tramaient. À mesure qu'ils redécouvrent la ville où leur existence a basculé, Jascha et Lilka se souviennent.

«Jascha resservit du café. C'est arrivé un mardi, le jour où Rosenstajn nous a quittés pour un monde meilleur. Ils avaient laissé entrer quelques «touristes». Des officiers et leurs petites amies, des amis de Hans Frank, venus là pour s'amuser, pour s'extasier devant les Juifs mourants dans le zoo du ghetto. J'ai entendu les femmes, les épouses des officiers, pousser des cris d'orfraie. Quelle odeur ! s'exclamaient-elles. Ils ne se lavent jamais ? Qu'est-ce qu'ils sont sales ces Juifs ! Et les enfants, ils ne les habillent même pas correctement, il leur manque des dents. C'est ainsi que les Juifs s'occupent de leurs enfants? Tous des mendiants. Répugnant. Quels sauvages ces Juifs ! Jamais on ne verrait des enfants allemands se comporter comme ça. Parfois, l'on donnait aux touristes des fouets et des pistolets pour qu'ils jouent avec. Un Juif de plus qui prend des coups de fouet ou une belle ? Quelle importance ? Puisqu'ils étaient tous voués à disparaître.»

Leurs souvenirs se réveillent et avec eux, les regrets, la culpabilité et les secrets inavoués...

Face aux obsédantes et éternelles questions posées par la Shoah, malgré l'ironie désespérée de Jascha, l'auteure montre ce que signifie d'être enfermé dans un traumatisme, dans le passé ou dans un ghetto. Si Jascha et Lilka ne peuvent échapper à leur passé, l'intensité de l'amour qui les unit leur évitera peut-être de souffrir de n'appartenir à aucun lieu...

«Je n'ai pas de maison, dit-elle. Elle regarda les pins sombres et sages sous la neige. J'en ai eu une autrefois, mais c'était il y a longtemps.»

Le train pour Varsovie est un roman bouleversant, à la fois hypnotique et obsédant. Avec une force dévastatrice et insidieuse, Gwen Edelman montre toute la souffrance et la culpabilité de deux êtres tourmenté, qui ne pourront jamais revenir en arrière ni changer leur passé. Magnifique !

Je remercie les éditions Belfond de leur confiance.

Publicité
Commentaires
P
Ca a l'air vraiment prenant comme livre, j'ai hâte de le lire.
S
Encore un livre qui pourrait me plaire, le thème de ce roman est un sujet qui m'a toujours touché et bouleversé. En plus, il n'est pas bien long, une bonne raison pour surement sauter le pas.
M
Que c'est tentant ! Il m'attire beaucoup, beaucoup, ce roman. Merci de me l'avoir fait découvrir, Ingrid.
Publicité