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HISTOIRE DU SOIR
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26 août 2015

TÓIBÍN, Colm : Le testament de Marie

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Colm TÓIBÍN, Le testament de Marie.
121 pages.
Editions Robert Laffont (19 août 2015).

QUATRIEME DE COUVERTURE :

Ils sont deux à la surveiller, à l'interroger pour lui faire dire ce qu'elle n'a pas vu. Ils dressent de son fils un portrait dans lequel elle ne le reconnaît pas et veulent bâtir autour de sa crucifixion une légende qu'elle refuse. Seule, à l'écart du monde, dans un lieu protégé, elle tente de s'opposer au mythe que les anciens compagnons de son fils sont en train de forger. Lentement, elle extirpe de sa mémoire le souvenir de cet enfant qu'elle a vu changer. En cette époque agitée, prompte aux enthousiasmes comme aux sévères rejets, son fils s'est entouré d'une cour de jeunes fauteurs de trouble infligeant leur morgue et leurs mauvaises manières partout où ils passent. Peu à peu, ils manipulent le plus charismatique d'entre eux, érigent autour de lui la fable d'un être exceptionnel, capable de rappeler Lazare du monde des morts et de changer l'eau en vin. Et quand, politiquement, le moment est venu d'imposer leur pouvoir, ils abattent leur dernière carte : ils envoient leur jeune chef à la crucifixion et le proclament fils de Dieu. Puis ils traquent ceux qui pourraient s'opposer à leur version de la vérité. Notamment Marie, sa mère. Mais elle, elle a fui devant cette image détestable de son fils, elle n'a pas assisté à son supplice, ne l'a pas recueilli à sa descente de croix. À aucun moment elle n'a souscrit à cette vérité qui n'en est pas une.

MON AVIS :

Auteur irlandais reconnu dans le monde entier, trois fois dans la dernière sélection du Booker Prize, Colm Tóibín nous surprend par la puissance évocatrice de sa langue et par l'intensité des émotions qu'il suscite. Aux éditions Robert Laffont, ont été publiés La Couleur des ombres (2014), Brooklyn (2011), L'Épaisseur des âmes (2008) et Le Maître (2005).

Le testament de Marie est un roman court mais poignant sur la douleur et la culpabilité d'une mère. Dans ce monologue, Marie, mère de Jésus, justifie ses choix et explique son point de vue sur certains éléments de la vie de son fils. Elle refuse notamment de coopérer avec les évangélistes qui tentent forger un mythe ou une légende autour de la crucifixion.

Empreint de souffrance, de colère et de révolte, le témoignage de Marie est à mille lieues de la parole d'évangile que nous connaissons aujourd'hui et c'est précisément ce qui bouleverse le lecteur.

Marie est une femme blessée, traumatisée par la mort d'un fils qui a grandi et s'est éloignée d'elle. Au fil des pages, elle extirpe de sa mémoire les souvenirs de cet enfant qu'elle a vu grandir et changer au contact de jeunes fauteurs de troubles qui l'ont hissé au rang de véritable icône politique. Impuissante à protéger ce fils charismatique et plein de morgue qu'elle ne comprend plus, Marie se rappelle alors l'enfance de Jésus, les joies simples des temps où son fils n'était qu'un bébé. Elle s'attarde sur des scènes de bonheur ordinaire, se remémore la douceur du cocon familial avant ces temps troubles et agités, où «on s'élevait contre les Romains, contre les Pharisiens, contre les Anciens, contre le Temple lui-même, contre les lois et les impôts».

Mais «c'est fini maintenant. Le petit garçon est devenu un homme. Il a quitté la maison et il est devenu une ombre à l'agonie sur une croix.»

Et les mots de Marie claquent comme un fouet !

Dès lors, comment croire en la fable de cet être exceptionnel capable de ressusciter les morts et de changer l'eau en vin ? On a plutôt l'impression que celui qu'on appelle «Fils de Dieu» n'est qu'un homme comme les autres et que les miracles qu'il a accomplis ne sont qu'inventions destinées à travestir une réalité tout autre ! Tout comme Marie, qui reste perplexe et ne fait pas partie des fidèles de Jésus, le lecteur doute. Il s'interroge et c'est en cela que le parti pris de l'auteur est intéressant !

Certes, cette version pas très catholique a de quoi choquer ! Mais les 120 pages de ce roman, dans lesquelles Marie est donnée à voir comme une anti pietà, ne peuvent laisser le lecteur indifférent ! Marie n'y apparaît non pas comme une sainte mais comme une simple mortelle. C'est une vieille femme retranchée, à l'écart du monde, qui raconte, simplement son drame personnel de mère aimante, blessée au plus profond de sa chair. Ni plus, ni moins...

À la fois intime, spirituel et religieux, Le testament de Marie est un roman intense et bouleversant. Une vraie claque !

«J'étais là. Je me suis enfuie avant la fin, mais si vous voulez des témoins, alors je suis un témoin, et je peux vous le dire à présent. Vous affirmez qu'il a sauvé le monde, mais moi, je vais vous dire ce qu'il en est. Cela n'en valait pas la peine. Cela n'en valait pas la peine.»

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Commentaires
C
Je viens de le lire et je retrouve le plaisir de ma lecture en lisant ton billet : comme toi j'ai trouvé ce portrait intense et j'ai aimé lire "cet autre son de cloche" :)<br /> <br /> Des bisous<br /> <br /> Cajou
C
Contente qu'il t'ait plu autant qu'à moi. Je ne suis pas portée par la religion dans mes lectures, mais ici c'est exploité différemment, et tellement bien fait. Ça rend Marie tellement plus "humaine'.
M
J'ai un peu de mal quand il est question de religion, mais là, je suis quand même intriguée...
L
Juste par curiosité, je me laisserais bien tenter !
K
Une lecture qui ne doit pas laisser indifférent...
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